Le Québec est aujourd’hui un terrain hostile pour les enfants éduqués à domicile et leurs familles. Je vous explique dans quelques instants pourquoi. Plusieurs familles ont quitté la province depuis les dernières années pour des terres plus accueillantes en matière d’éducation telles que l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et même le Mexique. Plusieurs pensent à quitter. Nous avons perdu de nombreux bons amis qui ont décidé de voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Et c’est le cas! #30joursAEF #30joursunschooling
Le 1er juillet 2018, la loi fut modifiée par le ministre Jean-Sébastien Proulx. Le Québec est alors devenu la province canadienne contrôlant le plus les familles éducatrices ne demandant ni services ni financement de l’État. Depuis ce temps, le règlement a été changé 2 autres fois par le ministre Jean-François Roberge, restreignant davantage les droits des familles éducatrices. Plusieurs provinces n’exigent aucun suivi par défaut des familles éducatrices. Et plusieurs provinces offrent une compensation financière : c’est du donnant-donnant, puisqu’on allège le système éducatif de plusieurs élèves. Par ailleurs, les commissions scolaire au Québec reçoivent un bon montant pour chaque enfant éduqué à domicile, la plupart de ces enfants ne reçoivent pourtant aucun service de leur commission scolaire…
Depuis 2018, chaque famille doit rendre des comptes à la Direction de l’enseignement à la maison (DEM). C’est une entité de surveillance pilotée par le ministère de l’Éducation. Et ô combien invasive dans la vie des familles. C’est le plus gros département du ministère de l’Éducation (eh oui, pour même pas 1% de la population étudiante!)… et pourtant si nuisible au bon développement des enfants!
Voici les comptes à rendre à cette fameuse DEM :
- Transmettre un avis écrit au ministre de l’Éducation et au centre de services scolaire chaque année;
- Soumettre un plan d’apprentissage pour les domaines suivants : français, anglais, sciences, mathématiques, univers social (histoire, géographie, éducation à la citoyenneté, etc.);
- Produire un bilan de mi-parcours accompagné d’un état de la situation;
- Remettre un bilan de fin de parcours;
- Effectuer une évaluation (un choix de cinq modes d’évaluation dont un portfolio ou une évaluation par un titulaire d’une autorisation d’enseigner, certains de ces choix peuvent occasionner des frais pour les parents);
- Rencontrer un représentant du ministère en cours d’année (un parent ET les enfants doivent être présents);
- Les enfants doivent se soumettre aux épreuves ministérielles au primaire en 4e et 6e année et au secondaire en 2e, 4e et 5e année (bonjour le casse-tête pour le transport et la gestion des autres enfants de la famille pendant les examens qui ne sont pas toujours près de la maison!).
Un manquement à l’une de ces étapes peut mener à des accusations de négligence éducative selon la Loi sur la Protection de la jeunesse. À noter que ces étapes et documents sont à refaire jusqu’à satisfaction du « dieu » DEM. Et il y a des agents de suivi plus demandants et pointilleux que d’autres. Une année, j’ai du refaire 4 fois mes plan d’apprentissages (juste avant Noël… quel beau moment pour ça… et la moitié de l’année étant déjà passée!). Heureusement, l’Association québécoise pour l’éducation à domicile (AQED) est intervenue, puisque mes documents étaient satisfaisants et (déjà à la 1re version) beaucoup plus complets que bien d’autres qui avaient pourtant été acceptés par la DEM. Grâce à mon association, je n’ai pas eu à les refaire une 5e fois.
Il faut bien connaître ses droits et la loi puisque plusieurs agents de suivi outrepassent leur mandat. Connaître le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) est de mise également, puisque plusieurs agents de suivi insisteront pour que la Progression des apprentissages (PDA) soit suivie, alors que ce document ne fait pas partie du programme. La PDA constitue un complément au programme. Elle est souvent utilisée par les enseignants, mais pas prescrite. En éducation à domicile, il faut viser les atteintes des compétences et des attentes de fin de cycle, pas nécessairement la PDA. Ce n’est pas la même chose. Tout cela est souvent source de (grosses) frictions avec les agents de suivi… et de beaucoup d’ostinage… et de gros nerf du cou sorti… et d’heures inutiles à préparer de la paperasse qui n’ajoute rien à l’expérience éducative des enfants.
Puisque la recherche sur l’efficacité de l’éducation à domicile n’émet que des conclusions favorables sur la réussite scolaire, pourquoi tant contraindre les familles québécoises ayant fait ce choix pour l’éducation de leurs enfants? Christine Brabant, Le gouvernement se doit de reconnaître les parents-éducateurs comme des membres contribuant au développement de la nouvelle génération qui sera la relève de demain de la nation québécoise. Ils doivent être perçus comme offrant une option éducative de plus, une autre façon de permettre aux jeunes de développer leur potentiel, pas comme une nuisance à contrôler.
On est en droit de considérer que cette loi dépasse les limites à l’ingérence du gouvernement dans les sphères privées. Par exemple, à des fins comparatives, on peut se demander : y a-t-il des enfants mal nourris au Québec? Malheureusement, oui. Et l’alimentation des enfants est quelque chose de très important, de vital. Il pourrait être utile d’appuyer les parents dans leur tâche, leur donner des possibilités de formation, des outils, des personnes à qui se référer. Par contre, il serait exagéré de demander aux parents un rapport détaillé des menus prévus pour la prochaine année, s’assurer que c’est bien ces menus qui seront servis, les rencontrer en personne pour demander aux enfants ce qu’ils mangent et exiger un compte-rendu à la fin de l’année, tout ça en raison d’un hypothétique risque qu’ils ne remplissent pas bien cette responsabilité qui leur revient.
Bon, la partie administrative/niaisage plate terminée, je reviens au merveilleux monde l’apprentissage en famille demain!